Droit de préemption du fermier : illustration pratique…

Droit de préemption du fermier : illustration pratique…

Un propriétaire estime que le fermier à qui il loue une parcelle mise en vente ne bénéficie pas d’un droit de préemption pour acheter prioritairement cette parcelle. Motif invoqué ? La parcelle serait trop petite, explique le propriétaire. « Et alors ? » répond le fermier, pour qui la taille de la parcelle n’est pas un problème…


Droit de préemption du fermier = statut des baux ruraux

Un propriétaire signe un compromis de vente d’une parcelle agricole dans lequel est insérée une clause intitulée « Purge – Droit de préemption du fermier ». Le propriétaire y déclare que la parcelle est louée par un fermier, qu’il faut « purger » le droit de préemption dont celui-ci bénéficie pour que la vente soit parfaite et qu’il autorise le notaire à procéder à cette notification.

Concrètement, cela signifie que le notaire doit notifier le compromis de vente au fermier et lui demander s’il entend acheter la parcelle en lieu et place de l’acquéreur.

Le notaire s’exécute et, peu après, reçoit une réponse écrite du fermier. Ce dernier l’informe qu’il souhaite user de son droit de préemption et devenir le nouveau propriétaire de la parcelle.

Mais 4 jours plus tard, le notaire écrit au fermier pour l’informer qu’il ne peut pas préempter la parcelle louée car, en réalité, il ne bénéficie pas d’un droit de préemption…

… ce dont s’étonne l’agriculteur puisque c’est le notaire lui-même qui lui a notifié le compromis de vente et l’a invité à faire savoir s’il usait ou non de son droit de préemption.

Le notaire lui explique alors que la Préfecture fixe la superficie minimale d’une parcelle soumise au statut des baux ruraux. C’est cette réglementation qui fait bénéficier au fermier, entre autres, d’un droit de préemption.

Or, la parcelle louée par l’agriculteur est d’une surface inférieure à la superficie minimale fixée par la Préfecture. Par conséquent, le contrat conclu par le fermier avec le propriétaire n’est pas soumis au statut des baux ruraux.

C’est donc par erreur que le notaire a notifié le compromis de vente au fermier et l’a invité à faire savoir s’il entendait user ou non de son droit de préemption.

Le fermier rappelle alors qu’un contrat, même s’il porte sur la vente d’une parcelle louée dans le cadre d’un bail ne bénéficiant pas du statut des baux ruraux, peut toujours prévoir un droit de préemption au profit du fermier, à condition que les parties l’aient souhaité de manière claire et non équivoque. Ce qui ressort ici, selon lui :

  • d’une part, du contenu de la clause « Purge – Droit de préemption du fermier » ;
  • d’autre part, du fait que le notaire lui a notifié le compromis de vente et l’a invité à faire savoir s’il usait ou non de son droit de préemption, en application du contenu de la clause précitée.

Mais le propriétaire n’est pas d’accord : il estime que la clause insérée dans le compromis de vente signé entre lui l’acquéreur n’est pas suffisante pour caractériser une volonté claire et non équivoque de soumettre le bail au statut des baux ruraux.

Mais c’est peine perdue puisque, pour le juge, c’est le fermier qui a raison : il estime que les 2 éléments rapportés par ce dernier suffisent à caractériser une volonté claire et non équivoque de soumettre le bail au statut des baux ruraux. La vente doit donc être finalisée au profit du fermier.

Source : Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 15 novembre 2018, n° 17-15387

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